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    Cécile COUTIN :
    Tromper l’ennemi : L’invention du camouflage moderne en 1914-1918
    Éditions Pierre de Taillac, 2012 - 230 pages et 300 illustrations - 35,00 € - ISBN : 978-2364450158

    dimanche 23 décembre 2012, par Guillaume Lévêque

     

    La ruse est un des fondements immémoriaux de la guerre. Revisitée par les artistes mobilisés sous les drapeaux lors de la Première Guerre mondiale, elle enfante le camouflage. Ces soldats de l’illusion transforment alors leurs croquis et leurs pinceaux en armes de bataille pour inventer et développer des artifices destinés à égarer l’ennemi. Conservateur en chef du patrimoine à la BNF, Cécile Coutin présente dans ce livre une belle étude d’ensemble de la naissance et des particularités de cet art de combattre autrement. Même si « le camouflage n’est pas une arme qui tue, c’est une arme qui trompe » ainsi que le souligne joliment l’introduction, il n’en est pas moins un moyen de combat. Son éclosion au cours de la Grande Guerre découle de l’équation tactique inédite créée par la guerre des tranchées et par le don d’ubiquité de l’aviation. Dans ce cadre périlleux où passer inaperçu devient vital, furtivité et illusion s’avèrent des clés de survie et d’efficacité tactique d’autant plus précieuses qu’elles sont potentiellement décisives, en accroissant chez l’ennemi l’incertitude propre au « brouillard de la guerre ».

     

    Des idées et des hommes

    Les premiers « artistes de l’invisible » sont des artilleurs, qui éprouvent la nécessité vitale de dissimuler au regard de l’ennemi leurs pièces de canon figées par l’avènement de la guerre de positions. Cécile Coutin dévoile les éléments de la petite controverse de paternité qui implique deux sous-officiers de réserve mobilisés au 6e régiment d’artillerie à pied, le peintre mondain Victor-Lucien Guirand de Scevola et le directeur de grand magasin Eugène Corbin. C’est en tout cas le premier d’entre eux qui effectue les démarches nécessaires pour faire connaître et adopter par le commandement les expérimentations des pionniers du camouflage. Ses démonstrations sont si concluantes qu’il est nommé en février 1915 à la tête d’une nouvelle formation, spécifiquement créée pour développer et valoriser les innovations dans ce domaine. L’insigne de spécialité adopté par les camoufleurs est le symbole parfait de leur action : il s’agit du caméléon.

    La Section du camouflage acquiert vite une ampleur industrielle à la mesure des besoins du front. Les moyens humains mis à sa disposition sont considérables : à la fin de la guerre, elle emploie 3000 militaires, un nombreux personnel féminin de fabrication dont l’effectif atteint jusqu’à 10 000 ouvrières, des travailleurs annamites et des prisonniers de guerre allemands. Son vaste organigramme déploie un atelier central aux Buttes-Chaumont, des ateliers d’armées et des équipes d’installation sur le Front. Ce dispositif est soumis au secret défense. Par la suite, une Section d’étude du camouflage créée en novembre 1917 fait l’analyse scientifique des principes à suivre (matières, formes, ombres, teintes, reflets et éclairages, chimie des colorants...). Ses travaux aboutissent à l’élaboration d’une doctrine du camouflage synthétisée par une instruction réglementaire.

    Promu capitaine, Guirand de Scevola s’entoure d’artistes peintres et sculpteurs, d’ouvriers d’art, de techniciens du spectacle, de cartonniers et d’artisans du bâtiment. Les recrues les plus convoitées sont les décorateurs de théâtre, dont le talent est habitué aux techniques du trompe-l’œil et aux grandes surfaces, et les artistes cubistes, dont l’aptitude à la déformation de la réalité est exploité pour déstructurer les formes par le bariolage. La Section du camouflage s’attache également les services d’accessoiristes de théâtre capables de concevoir des leurres, comme le talentueux Lucien Bérard.

    Parmi les noms recrutés, certains sont soit déjà célèbres soit appelés à le devenir. Fernand Léger et Paul Landowski font partie des effectifs de la Section du camouflage. Malgré son âge, le dessinateur humoristique Forain a lui aussi tenu à contribuer à la lutte : il est nommé aux fonctions d’inspecteur général du camouflage. Si l’utilité militaire de leur action est certaine, l’expérience n’est pas non plus sans influence sur les conceptions artistiques des camoufleurs. On observe ainsi que l’inspiration cubiste entraîne une hybridation des talents avec les artistes classiques.

    Des masques et des leurres

    Les principes de mise en oeuvre du camouflage s’appuient sur le mimétisme et l’abstraction. Ses champs d’application sont d’une extrême diversité. La précision est indispensable à l’efficience des réalisations accomplies. Il faut transformer certains “habillages” au rythme des saisons. La minutie du travail effectué va jusqu’à constituer un catalogue d’échantillons des couleurs naturelles propres à chaque secteur du front, afin de produire des éléments de décor assortis.

    La production de la Section de camouflage peut être distribuée entre deux catégories : celle des masques et celle des leurres. La première dissimule ce qui est, et la seconde exhibe ce qui n’est pas.

    L’art de masquer est le premier domaine visité par les techniciens de l’illusion. L’usage des filets et toiles de camouflage, rideaux et panneaux peints, et dans une moindre mesure des cagoules et capotes bariolées (parmi les expérimentations mises à l’essai figure la création de la tenue léopard, non retenue à l’origine et à présent largement adoptée à travers le monde) est rapidement généralisé. Leurs domaines d’utilisation sont d’une grande variété. Canons, véhicules et chars sont couverts de peinture bariolée pour briser leurs formes, effacer leurs volumes, estomper leurs silhouettes et les confondre dans leur environnement. Des échafaudages couverts de filets et de mousselines arachnéennes, des faux talus et des plantations artificielles dérobent aux vues les pièces d’artillerie et les dépôts. Des écrans de protection occultent les cheminements stratégiques et les ouvrages d’art. Même la robe des chevaux trop clairs est passée à la teinture ! Des techniques d’émission de brouillard artificiel sont conçues pour contrer le repérage aérien, et le grand canal du parc de Versailles, élément d’orientation marquant, est caché par un vaste dispositif de pontons, radeaux et branchages.

    Parallèlement, un véritable “service des farces et attrapes” animé par des accessoiristes de théâtre développe la science des leurres. Il s’agit principalement d’artifices aptes à dissimuler armes, positions et postes d’observation. L’étendue de leur gamme témoigne de l’extrême ingéniosité de leurs concepteurs : faux troncs d’arbres, meules creuses, ruines aménagées, trous d’obus factices, reproductions de carcasses d’animaux et de cadavres humains, et même bornes kilométriques… L’industrie la plus active est l’installation de postes d’observations ou d’écoute se fondant dans le paysage du front par substitution à certains éléments préexistants : la plupart du temps, il s’agit de troncs d’arbres, qui sont remplacés par des arbres blindés abritant un observateur ou bien par de simples périscopes en fonction de leur épaisseur. Des guérites blindées surmontées de taupinières sont insérées dans le parapet des tranchées.

    Une autre branche de l’activité des leurres est la création d’aménagements et de matériels factices. Faux canons, mannequins de tranchées et têtes de soldats en papier mâché, entre autres, servent d’accessoires cibles destinés à faire tirer l’ennemi de manière à repérer ses guetteurs et ses tireurs d’élite, ses postes de mitrailleuses et ses positions d’artillerie. À une envergure supérieure, de fausses positions sont installées pour désorienter le repérage aérien et visuel et détourner l’attention de l’adversaire. Le projet le plus stupéfiant et le plus démesuré à avoir été envisagé est un « faux Paris » destiné à attirer les raids nocturnes de bombardement. Il s’agit d’un vaste et ingénieux montage de structure légères simulant en pleine campagne à quelques kilomètres de distance le plan de la banlieue nord-est. L’illusion est complétée par les jeux d’éclairage mis au point par le spécialiste des illuminations de grands magasins. Mais ce site est opérationnel trop tard en 1918 pour vérifier son efficacité : le début du repli allemand a alors déjà mis fin aux attaques aériennes.

    Camouflages aériens et maritimes

    Aéronefs et navires sont également concernés par le souci de furtivité. Les ballons captifs sont passés à la peinture de camouflage. Le ventre des avions est bariolé aux couleurs du ciel et leur dos à celles du sol pour atténuer leur trace visuelle. Les jeux de peintures qui couvrent les bateaux leur apportent une protection passive très efficace. Contrastes de couleurs et bandeaux en zigzag sont conçus pour créer des effets d’optique qui perturbent l’identification par les U-Boots des silhouettes, de la nature, de la distance et du cap de leurs cibles. Imitant l’exemple des Britanniques, pionniers dans ce domaine, la Royale crée en 1917 une section de camouflage maritime, qui fait ses essais sur des maquettes avant d’expédier les plans de réalisation finale aux chantiers navals.

    Si les Français sont les inventeurs de la nouvelle science de la dissimulation qu’est le camouflage, les armées alliées se mettent aussi à leur école. Ils en adoptent les méthodes en les élargissant parfois à de nouveaux champs d’action (c’est ainsi que les Britanniques créent le camouflage maritime). En face, l’armée allemande est une imitatrice nettement plus tardive et à moins grande échelle des pratiques du camouflage, mais conçoit avec virtuosité de fausses positions d’artillerie qui, animées par d’efficaces effets pyrotechniques, attirent d’inutiles tirs de contre-batterie.

    Une synthèse de référence richement illustrée

    C’est avec passion que Cécile Coutin évoque ce sujet passionnant. Malgré de bénignes erreurs factuelles à peine discernables [1], le contenu scientifique du propos est très solide et met à contribution les archives militaires, les fonds journalistiques et artistiques, ainsi que les souvenirs de certains protagonistes, notamment ceux de Guirand de Scevola et André Mare.

    Le plaisir de la lecture est plus que bonifié par la qualité de l’illustration qui l’accompagne. La richesse et l’abondance de son iconographie sont un authentique régal visuel. Le choix des 300 documents présentés est aussi varié qu’intéressant. On peut y admirer des photographies en noir et blanc de réalisations in situ au Front et de l’activité des ateliers du camouflage, des dessins, épures et interprétations d’artistes (provenant notamment des carnets de croquis du dessinateur André Mare), des images d’objets et de vêtements camouflés déposés dans les collections publiques, des reproductions de documents d’archives, des aquarelles et des plans d’aménagement. Le seul petit regret vient peut-être du nombre réduit des autochromes présentés. En annexe, sont proposés un répertoire des artistes camoufleurs, un curieux florilège de chansons sur les camoufleurs, et une bibliographie.

    Tout à la fois livre d’art et livre d’histoire, ce beau volume au contenu éditorial particulièrement soigné possède donc tous les attributs d’une somme de référence - et d’une belle idée de cadeau. On ne peut qu’y admirer la diversité, la créativité, et l’ingéniosité des éléments d’une aventure de guerre hors normes. Variation féconde des noces de l’art et de la guerre, le camouflage a eu cette stimulante vertu d’inverser les rapports traditionnels entre leurs deux univers : pour une fois, c’est l’art qui a inspiré la guerre et non pas l’inverse.

    © Guillaume Lévêque  http://clio-cr.clionautes.org/tromper-l-ennemi-l-invention-du-camouflage-moderne-en-1914-1918.html#.UnuInCcimsM


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    "Deiz ha bloaz laouen!" Moisette


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    Bon et Joeux anniversaire c'est toi la reine aujourd'hui


    2 commentaires
  • pc_il04

     

     

      L'Île-de-France était un paquebot de la Compagnie générale transatlantique. Il fait partie des paquebots postaux qui transportaient passagers et courriers. Il navigue de 1927 à 1959.

    ile-de-france, cie générale transatlantique
    Ce paquebot de la CGT a été construit afin de remplacer les vieilissants "La Touraine" et "La Lorraine". Il a navigué entre 1927 et 1959. L'intérieur du navire est la première manifestation de "l'art déco", style repris ensuite par de nombreux paquebots dont le Normandie. Pendant la guerre, il sert au transport des troupes (il prend le nom de "S.S. Ile de France"), ce qui vaut au bateau en lui-même de recevoir la Croix de Guerre et d'être nommé Chevalier du Mérite maritime. En 1945, il reprend son service civil et ses traversées, mais joue encore le "héros" en assurant notamment deux sauvetages d'ampleur (celui du cargo Greenville en 1953 et du paquebot italien Andrea Doria en 1956). Il effectuera son dernier voyage transatlantique le 1er novembre 1958 et sera remplacé par le France.

     

                                                                  

     

    Le paquebot entre en service en 1927. Il est livré par les chantiers de Saint-Nazaire le 29 mai et entame son voyage inaugural Le Havre - New York le 22 juin 1927 ; il devient pour un temps le plus beau paquebot de l'Atlantique. Il innove en apportant pour sa décoration la première grande expression de l'art déco, on parle même d'art déco paquebot. Les paquebots L'Atlantique et Normandie reprennent à leur tour ce style dans leurs aménagements. Sa salle à manger des premières classes est d’ailleurs reproduite au sommet de l'ancien magasin à rayons Eaton de Montréal. Elle est longtemps considérée comme l'un des endroits les plus chics de cette ville.

    Il est surnommé aux « The longest gangplank » pendant la crise de la prohibition, car l'alcool coule à profusion à son bord et permet d'être ainsi immédiatement en France, le pays du « bien vivre », bien avant l'arrivée à destination. À bord du paquebot il règne l'atmosphère sans soucis des années folles et de l'entre-deux guerres. Le paquebot poursuit sa carrière sans incident jusqu'à la déclaration de guerre de septembre 1939.

     

                                                           

     À la déclaration de guerre, il est rejoint par le paquebot Normandie au pier 88 de la Transat à New York. Au moment de l'invasion allemande de juin 1940, le paquebot est en route pour l'extrême-orient où il se réfugie à Singapour. Grâce à l'initiative de son état-major et de son équipage, il rallie les Alliés en juillet 1940. Il est converti en transport de troupes et prend le nom de S.S. Ile de France. Pendant 4 ans, il transporte plus d'un demi million de soldats de Durban au Canada, de Bombay à Suez, de Sydney à San Francisco ; ce qui lui vaut de recevoir la Croix de Guerre et d'être nommé Chevalier du Mérite maritime. Il est remis à disposition de la France à Southampton, le 22 septembre 1945.  

     

     À la fin de son service de guerre, il prend la direction des chantiers navals de Saint-Nazaire où il arrive le 21 avril 1947. Il y subit une profonde refonte qui le modernise et transforme notablement sa silhouette en perdant ses 3 cheminées fines au profit de 2 cheminées plus larges au dessin elliptique, le trait de coque avant est affiné en montrant une courbe pour séparer la peinture noire de la blanche. Ces modifications sont inspirées du dessin et des formes du paquebot Normandie de 1935. Le décor est modifié avec notamment du mobilier issu du paquebot Normandie et démonté avant l'incendie de celui-ci ; il y a l'apport de l'air conditionné, une nouvelle piscine au pont C et la capacité en passagers est réduite pour un meilleur confort de 1 794 passagers à 1 345.   Le paquebot démarre son second voyage inaugural vers New York le 21 juillet 1949. 

     

     

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    L'ILE DE FRANCE fût le premier paquebot au monde à être équipé d'un hydravion catapultable. La photo ci-dessus, nous montre les premiers essais à quai au Havre. Sur la ligne Le Havre New York, c'est hydravion faisait gagner 1 jour sur le trajet du courrier. Aucun autre paquebot poste ne pouvait être plus rapide.

    Le mardi 1er janvier 1929, en entrant de nuit au Havre, ILE DE FRANCE heurte le musoir sud du bassin de marée, et s'occasionne d'importantes avaries à tribord avant. 

     

     

    l'ile de france en cales sèche pour la réparation de la c    

    *L'Île-de-France est vendu par la Transat à Yamamoto & Co d'Osaka le 11 décembre 1958 ; et c'est le 26 février 1959 qu'il quitte le port du Havre sous le nom de Furanzu Maru, il arrive à Osaka le 9 avril 1959. La fin du paquebot provoque un scandale comparable à celui de la fin du paquebot France de 1962, car malgré une cérémonie Shinto tenue le 11 avril 1959 pour célébrer l'âme du vaillant paquebot, il sert de cadre à un film hollywoodien Panique à bord (The Last Voyage) pendant lequel il est coulé partiellement en mer du Japon et saccagé pour les besoins des scènes catastrophes de ce film, avant d'être finalement démantelé.   

                                             

     


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    Bon   et Joyeux anniversaire Elisa   


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